Mesdames et messieurs membres des Associations d’Anciens Combattants et médaillés militaires,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs les élus, chers collègues
Mesdames, Messieurs les Présidents, responsables d’Associations
Chers voisins et amis.
Il y a 103 ans, le 11 novembre 1918, était signé l’armistice mettant fin à la première guerre mondiale.
Cette guerre, surnommée « la grande boucherie », faisait 18,6 millions de morts dont 1,4 millions de français pour 7,8 millions d’hommes mobilisés.
Au-delà des hommes mobilisés, l’impact fut immense pour toute la société, en particulier pour les familles des tués, avec 600.000 jeunes veuves de moins de 45 ans et environ un million d’orphelins. Le nombre de naissances fut ainsi réduit de 800.000 à 400.000 par an, faisant de la France le pays le plus âgé du monde en 1939.
C’est un sinistre décompte auquel s’ajoutent 25.000 unijambistes, 20.000 manchots ou encore les 14.000 « gueules cassées » recensés par le travail des historiens.
Le corollaire de cette hécatombe en vies humaines fut l’affaiblissement durable de notre potentiel économique, précipitant le peuple dans la misère sociale et la pauvreté.
Les communes rurales comme la nôtre payèrent un lourd tribu durant ce conflit mondial avec la perte de 56 soldats inscrits sur le livre d’or de la commune, qui périrent sur les champs de bataille.
Des plaques de marbres installées suivant la volonté des élus dans nos espaces publics pour ce jour de mémoire citoyenne, évoquent le sort de ceux de nos compatriotes qui ont été engagés dans cette guerre, et qui y ont perdu la vie…. AUDOIRE, ARDOUIN, BERLAN, BATARD, BLANC, BAUDRIT, BONNET Jean et Pierre, BIRON…SERPAUD Jean, ces 56 noms (et 7 autres inscrits au livre d’or de la commune) gravés dans le marbre de notre Monument aux Morts aimaient la liberté, l’amitié, l’amour, la vie …… Ils étaient paysans, artisans, ouvriers, employés, instituteurs …… Ils se sont mobilisés aux moissons mais n’ont plus jamais vendangé, ils avaient des rêves, ici à LARUSCADE, comme dans toutes les communes de France, rien ne fut plus jamais comme avant. Ces noms gravés redonnent une existence aux êtres qui parfois reposent dans l’anonymat d’un cimetière militaire, d’un ossuaire, ou pire, dont les corps n’ont jamais été retrouvés.
Il est toujours poignant de se réunir devant notre monument aux morts. A défaut de comprendre le pourquoi d’une telle hécatombe, ces monuments aux morts nous proposent de nous souvenir. Ils martèlent partout par leur présence le même message salutaire : Oui, les guerres ont bien eu lieu et elles sont toujours tragiques pour les peuples. Ils luttent ainsi par leur présence contre l’oubli d’affrontements entre les pays, dont la mémoire s’estompe peu à peu au fil du temps.
En tant que maire, j’agis au nom de la commune mais aussi en tant que représentant de la République, au nom de l’Etat souverain.
La commémoration du 11 novembre existe à ce titre. Outre le fait d’honorer nos morts, il nous revient donc à nous les maires, de faire preuve en ce jour d’une certaine dimension éducative dans nos propos.
Je suis patriote. Cela signifie que j’aime mon pays. Aimer son pays ne signifie pas haïr les autres, bien au contraire. Le patriotisme c’est le contraire du nationalisme, ce nationalisme qui ne peut conduire qu’à la guerre, qui nous a conduits à la guerre.
Voilà pourquoi en ce jour j’ai choisi de parler des grands absents des monuments aux morts que sont les soldats venus de nos anciennes colonies car ce sont les éternels oubliés.
Dans toutes les colonies françaises, de Dakar à Saïgon, en passant par Casablanca, Alger, Tunis et Pondichéry, l’idée de faire appel massivement à ces hommes pour une guerre prochaine contre l’Allemagne, apparut dès 1910 dans l’esprit des officiers qui avaient servi dans ces colonies. 800.000 hommes furent ainsi mobilisés. Parmi eux on compte plus de 100.000 morts ou disparus et un nombre encore plus grand de blessés, gazés, amputés ou défigurés.
Après la guerre, le souvenir de ces morts a été comme effacé des commémorations et des lieux de mémoires officiels.
Inauguré en 1932, l’Ossuaire de Douaumont rassemble les restes anonymes des 300.000 soldats tombés à Verdun. Parmi eux, les restes de milliers de tirailleurs sénégalais et algériens tombés sous l’uniforme français de février à décembre 1916. Pourtant, sous la voûte de l’ossuaire, on ne trouve que des « Pierre, Paul ou Jacques » mais aucun « Mohamed, ni Abdou ni Babacar ». En 2006, le Président Jacques Chirac a inauguré, près de ce lieu, un mémorial dédié aux 70.000 morts musulmans de Verdun. Pourquoi cette désignation religieuse? Les soldats coloniaux avaient toutes sortes de croyances ou aucune, et ce qui caractérisait leur statut dans cette guerre était bien d’appartenir à des troupes coloniales et non à une religion.
En 2008 Mme Adeline Hazan Maire de REIMS a initié un hommage solennel à ces soldats. Je la cite :
« Notre pays a commis des erreurs historiques. Il lui est arrivé de négliger, par-delà ses frontières, les principes fondamentaux de liberté, d’égalité, de fraternité, qui font sa force et sa fierté. En rappelant le rôle de l’armée noire dans la défense de la République pendant la Grande Guerre, nous soulignons haut et fort combien le traitement que notre République a réservé aux peuples africains était indigne de notre histoire commune ».
Aujourd’hui, les enfants des écoles de LARUSCADE sont de toutes les couleurs. Notre monument aux morts ne porte, et c’est normal puisqu’ils n’étaient pas nés ici, aucun nom qui les renvoie aux origines de leurs parents. C’est pourquoi nous, élus, citoyens pouvons leur dire que leurs ancêtres ont partagé le sort des soldats inscrits sur notre monument.
Pour finir, que nous dit ce monument aux morts ? Il nous dit qu’il n’existe pas de peuple supérieur aux autres, pas de terres promises à quelques-uns. Il n’y a que les sols sanglants des champs de batailles, meurtris par les guerres, où demeurent les dépouilles des êtres humains et finalement de l’humanité toute entière.
Oui, comme le disait Jacques Prévert dans son poème Barbara : « Quelle connerie la guerre ! » ou encore Anatole France « On croit mourir pour la France et on meurt pour des industriels»
Rappelons-nous toujours que l’amour est plus fort que la haine et qu’à LARUSCADE comme ailleurs, nous voulons faire humanité ensemble. Alors déployons notre envie de vivre ensemble qui est notre meilleure arme pour honorer en ce jour tous ceux qui sont morts dans les conflits passés et plus récents.
Je vous remercie pour votre présence attentive et vos bonnes intentions afin de faire vivre notre République laïque et indivisible.
Vive la France Vive la paix.
Et une pensée pour les familles qui ont perdus un être cher …. Dans les conflits récents |
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Colonel Sébastien Botta, force multinationale d’observateurs, mort pour la France en Egypte, le 12 novembre 2020
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Brigadier Dorian Issakhanian, 1er régiment des chasseurs parachutistes, mort pour la France au Mali, le 28 décembre 2020
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Brigadier Quentin Pauchet, 1er régiment de chasseurs parachutistes, mort pour la France au Mali, le 28 décembre 2020
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Maréchal des logis Tanerii Mauri, 1er regiment des chasseurs, mort pour la France au Mali, le 28 décembre 2020
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Sergent-chef Yvonne Huynh, 2e régiment de hussards, morte pour la France au Mali, le 2 janvier 2021
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Brigadier-chef Loïc Rissier, 2e régiment de hussards, mort pour la France au Mali, le 2 janvier 2021
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Sergent Maxime Blasco, 7e bataillon des chasseurs alpins de Varces, mort pour la France au Mali le 24 septembre 2021.